Les livres prennent soin de nous de Régine Detambel

****  Passionnant, à lire en prenant son temps !

Actes Sud, ISBN, 9782330048518, 16€

 

Par le rythme et la musicalité de leurs phrases, l’ordre de leur syntaxe, le toucher sensuel de leur papier, les livres nous soignent et nous apaisent. Au fil de l’enveloppant mouvement de l’écriture et de la lecture se dispense en effet un sens toujours renouvelé capable de nous arracher à nous-mêmes et à nos souffrances. Dans la détresse physique ou psychique, dans le handicap ou la grande vieillesse, le livre permet d’élaborer ou de restaurer un espace “à soi”. Face à la double menace de la passivité et de la perte d’autonomie, la lecture a le pouvoir de favoriser la reconquête d’une position de sujet, ce qui est précisément l’objectif de toute bibliothérapie digne de ce nom. Tandis que fleurissent les salons de “développement personnel” et les premières thèses de médecine sur le pouvoir des livres, Régine Detambel, écrivain et kinésithérapeute de formation, se donne ici pour tâche de montrer que la littérature en tant que “remède” doit se défier tout autant du pouvoir médical que des lieux communs du bien-être de masse. [...]

 

Rien qu’en voyant le titre, je ne vais pas dire que j’ai poussé tout le monde pour l’avoir mais presque …  j’avoue… un titre comme cela ! … cela ne vous laisse pas indifférent !

Ce livre « sérieux » de Régine Détambel explique très bien le pouvoir des livres en allant jusqu’à affirmer que les livres guérissent. Ce que l’on appelle la bibliothérapie (Webster International 1961) c’ "est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie. Et un moyen de résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’un lecture dirigée". Et étonnamment, la bibliothérapie existe depuis longtemps. La pionnière dans ce domaine est Sadie Peterson Delaney (anglaise)  qui a mené des expériences en 1916 pour soulager les militaires de la première guerre mondiale !

Tout au long de l’essai on se rend vite compte qu'il ne faut pas confondre Biblio-coaching (les self help books) et la bibliothérapie.

 

Donc, pour soigner certains symptômes, notre médecin sera amené à nous « prescrire » des livres et comme tout médicament avec son principe actif, certains auront des effets secondaires indésirables et d’autres pas, et certains seront efficaces et d’autres non.

 

Il semblerait que si on en croit la thèse du Dr Pierre André Bonnet, les livres permettent (page 15) de « comprendre et découvrir », « réaliser que je ne suis pas seul », « un autre point de vue, un nouvel angle de vision », «  le livre est une aide importante », et « lire est un voyage, une évasion, mais aussi une défense ». Intéressant non ?

 

Il reste à convaincre cependant encore du monde et en premier, les médecins. Winkler (médecin et écrivain) assure qu’à Kansas city (page 21)  les étudiants en médecine reçoivent un volume regroupant des textes littéraires. Cela « parce qu’ils en apprendront plus sur le soin dans la littérature que dans les livres de pathologie où l’on apprend que la Médecine ». On voit que la médecine et le soin ne sont pas au même niveau mais sont complémentaires : ils doivent donc cohabiter.

 

Qui dit bibliothérapie, dit également bibliothérapeute, métier totalement reconnu par Détambel qui a ce propos propose une formation de "bibliothérapie créative". Le bibliothérapeute n’est pas médecin mais doit avoir une certaine sensibilité, il doit être aussi ouvert et connaisseur dela littérature mais pas « documentaliste » et doit savoir quels remèdes appliquer. « l’apport le plus important du bibliothérapeute consistera dans les choix qu’il saura faire, par sa connaissance de la bibliothèque, de romans ou de récits métaphoriques puissants, en lien discret avec le traumatisme. .. page 108.

 

Bilan, ce livre est passionnant et contient tellement de références, qu’il est difficile de parler de tout dans une critique. Cet essai demande du temps pour une lecture tout à fait bénéfique !


Sur le chapitre dédié à l’exil dans la langue, Detambel dit quelque chose de formidable : « Les histoires réparent ; dans un livre on est toujours soi ».

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