La Religieuse de Diderot

Une très belle découverte ! Il était temps …

 378 pages, Collection Folio Classiques, ISBN 9782070360574

 

" Chère mère, lui dis-je, qu'avez-vous ? vous pleurez ; que je suis fâchée de vous avoir entretenue de mes peines !... A l'instant, elle ferma ma porte, elle éteignit sa bougie et elle se précipita sur moi. Elle me tenait embrassée ; elle était couchée sur ma couverture à côté de moi.- Chère mère, lui dis-je, qu'avez-vous ? Est-ce que vous vous trouvez mal ? Que faut-il que je fasse ?- Je tremble, me dit-elle, je frissonne ; un froid mortel s'est répandu sur moi.- Voulez-vous que je me lève et que je vous cède mon lit ?- Non, me dit-elle, il ne serait pas nécessaire que vous vous levassiez ; écartez seulement un peu la couverture, que je m'approche de vous ; que je me réchauffe et que je guérisse.

 

 

Après l’excellent ouvrage de Sophie Chaveau « Diderot, le génie débraillé », j’ai eu envie de tester un ouvrage de Diderot...

...  et devant toutes les possibilités j’avoue que mon choix s’est fait naturellement vers « la religieuse » qui se nomme Suzanne Simonin dans le livre.

 

Diderot a eu deux bonnes raisons d’écrire ce livre, et il me semble que c’est important de le savoir :

  • la première raison est personnelle . En effet, la sœur de Diderot a été enfermée dans un couvent sur décision de ses parents et elle en est devenue folle à en mourir. Diderot ne s’en remettra jamais complètement ...
  • la deuxième raison est un fait divers : Une religieuse, Marguerite Delamarre, avait fait appel à la justice pour demander de sortir d’un cloître dans lequel ses parents l’avaient enfermée. En effet, il s’avère qu’elle est un enfant illégitime et que celui qu’elle croit être son père ne l’est pas. Sa mère, lui demande alors d’aller dans un couvent pour expier ses fautes à elle !

 

Tout d’abord, j’avoue que je ne savais pas si j’allais réussir à lire Diderot, j’avais peur

  • que cela soit trop compliqué,
  • que la langue de cette époque ne soit pas lisible,
  • que les thèmes ne me concernent pas et j’en passe …

et j’avoue avoir été agréablement surprise autant sur le texte très accessible que sur le style très agréable en enfin, j’ai été bluffé par les thèmes évoqués dans ce livre.

 

 

Les thèmes sont nombreux et pour certains toujours d'actualité. Je n'en cite que quelques uns :

  • la religion, son rôle et sa place dans les familles aisées et plus largement dans la société,
  • l’argent qui domine chaque décision,
  • la vie dans les couvents et les contrôles qui y existent,
  • les sacrifices des femmes mais aussi des hommes enfermés ou séquestrés à vie sans leur consentement et l’inexistence de recours pour ces personnes
  • Et enfin peut-être le plus important le droit de chacun à disposer de sa liberté.

 

Ce texte est percutant et actuel. Diderot a pris des libertés que ce soit dans les expressions utilisées ou dans les thèmes dénoncés. J’ai trouvé ce petit livre drôlement contemporain car certains passages auraient pu être écrits aujourd’hui. Diderot a vécu en avance sur son temps et il l’a compris vers la fin de sa vie : ses idées pouvaient lui porter préjudice mais aussi à sa famille. C’est pourquoi certains de ses textes ont finalement été publiés bien après sa mort. C’est le cas pour ce livre publié en 1796, soit 12 ans après sa mort.


A lire ? Oui, trois fois oui ! Une très belle découverte que je ne fais que maintenant … il n’est jamais trop tard !