Sigmaringen de Pierre Assouline

Pour ne pas oublier cet aspect de l'Histoire

Edition roman Gallimard, ISBN 9782070138852, 21€

 

 En septembre 1944, un petit coin d’Allemagne nommé Sigmaringen, épargné par les horreurs de la guerre, voit débarquer la part la plus sombre de la France : le gouvernement de Vichy, avec en tête le maréchal Pétain et le président Laval, leurs ministres, une troupe de miliciens et plus d’un millier de civils français, parmi lesquels un certain Céline. Coups d’éclat, trahisons, rumeurs d’espionnage, jalousies, l’exil n’a pas éteint les passions. Certains rêvent de légitimité, d’autres d’effacer un passé trouble, ou d’assouvir encore leurs ambitions. Julius Stein, majordome du château des Hohenzollern, nous donne à voir cette impensable déroute.

 

Ce livre retrace une partie sombre, étrange mais loin d’être anodine de notre histoire pendant la deuxième guerre mondiale et c’est pourquoi je pense que ce livre pourrait faire partie des « Must be read ». Pour savoir ce qu’il a bien pu se passer dans ces murs du château à Sigmaringen, nous suivons le majordome Julius Stein qui s’efforce avec la plus grande objectivité de nous raconter cet épisode assez hors du commun. Ce personnage est tout simplement majestueux, distingué, droit et consciencieux jusqu’au bout des ongles mais n’est pas dénué d’humour cependant. Pierre Assouline a utilisé avec brio toutes les astuces et le vocabulaire de notre langue française pour trouver le ton et le juste mot pour chaque évènement et personnage.

Un grand plaisir de lecture, une écriture formidable et une leçon d’histoire indispensable pour qui ne connait pas cette période.

 

 Quelques extraits :

  • Que faut-il mettre en œuvre pour que le présent ne perde pas la présence de ce qui n’est plus ?  Le passé n’a jamais fait son temps ; le passé ne meurt pas ; il ne cesse de nous envoyer des signes. Page 80
  • Il est vrai que forte de quelques millions de volumes, elle (la bibliothèque) était à elle seule un monument au sein du monument et, outre du grec et du latin ainsi que des romantiques allemands, s’enorgueillissaient de posséder une collection remarquable de français des XVIIe et XVIIIe siècles. A croire que depuis deux ou trois siècles, ils attendaient patiemment leurs lecteurs, prêts à s’extraire de la poussière des âges pour se dégourdir les pages. Page 87
  • Le maréchal Pétain : « Pourquoi diable voulez-vous que j’écrive mes Mémoires ? Je n’ai rien à cacher … » Page 100
  • A l’entendre ma conception de l’obéissance relevait d’une pathologie. Elle ne comprenait pas, elle ne pouvait comprendre que chez nous, dès lors qu’on endosse un uniforme, on se croit délesté d’une certaine responsabilité. On n’a plus à décider. On fait une croix sur l’imagination. On s’estime dispenser de penser. On revêt l’autodiscipline comme une seconde peau. On obéit, que l’uniforme soit celui d’un soldat, d’un officier, dun postier, d’un pompier, ou d’un maître d’hôtel. Sous l’uniforme, l’obéissance est vertu. Il évite même de s’opposer à l’autorité. Il y a ceux qui commandent et ceux qui obéissent, et pas seulement chez les prussiens. Or je ne me connaissais d’autre maître que le prince, d’autre loyauté que les Hohenzollern, d’autre maison que le château.  Page 180
  • S’inquiéter seul, c’est précipiter l’angoisse ; mais s’inquiéter à deux, c’est déjà se consoler. Page 292
  • On ne regardait plus trop vers l’avenir de peur de ne pas s’y trouver. Page 303

 

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